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le blog de lianoire
5 novembre 2010

Kechiche no limit. âmes sensibles s'abstenir!

C'est rare que je me rende à une sortie de film dès le premier jour, c'est sans doute parce que celui ci je l'attendais, l'espérais et que cela m'intriguait. Depuis que je l'ai vu, je n'ai pas voulu en reparler, c'est comme si je n'en avais rien à dire. C'est parce qu'on en sort éprouvé, meurtri, diminué. Alors parfois, il suffit d'entendre les autres dire leurs impressions, les mettre en confrontation avec les siennes pour que la langue se délie.
En réalité sortir d'une séance de la vénus noire du réalisateur Abdellatif Kechiche relève d'une extraction de l'emprise du traumatisme.

L'historienne du XVIIIème siècle et professeur à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Arlette Farge disait ce matin dans l'émission la Fabrique de l'histoire sur la radio France culture sa répulsion, sa gêne et sa souffrance de la mise en scène de l'histoire de Saartije Baartman, cette sud africaine, venue du cap avec un africaaner qui a été son employeur et qui s'est prêtée pendant des années entre l'Angleterre et les rues parisiennes, à une exhibition absolue de son corps de femme.

Celle qu'on appelait la vénus hottentote serait née vers 1789 dans le Gamtoos river dans l'Est du Cap, elle appartenait à la tribu des khoikhoi qu'on appelle bushmen, au début du XIX ème siècle, elle se produit dans les cabarets européens mettant en spectacle l'image d'une Afrique barbare. Bête de foire à cause de son physique, Saartjie Baartman excitera les imaginations les plus folles de l'Europe de l'époque. Elle mourra le 29 décembre 1815 officiellement d'un intoxication alimentaire et en réalité d'une maladie vénérienne avant que son corps ne soit disséqué, étudié par Georges Cuvier, professeur d'anatomie comparée au Muséum d'histoire naturelle et ses disciples. A sa sortie de prison, Nelson mandela demandera à la France de restituer à son peuple les restes de la vénus noire.

Le film de Kechiche est sans humanité reflet de la vie de Saaratjie qu'il ressuscite. Il est également sans complaisance, le cinéaste ne veut ni soulager un public, ni se faire censeur, il nous fait plonger sans préavis à travers les couloirs sinueux et cauchemardesques de la vie de la vénus noire. Les scènes d'obscénités, d'humiliation et de bêtises s'emboîtent, on ne perd pas le fil mais on aimerait bien se pendre avec tant levenus_noires images peuvent être insoutenables.
Les bons penseurs et ceux qui ont une certaine idée de la morale et des limites en paieront les frais. Kechiche ne se fixe aucune limite.
A Montpellier la salle était calme, à Paris les échos qui viennent des cinémas de Montparnasse décrivent des salles combles mais des spectatrices offusquées qui ont quitté la salle avant la fin tandis que d'autres se sont écriés : "c'est nul!"

Et Arlette Farge de s'insurger contre ces critiques de cinéma qui ont encensé le film en omettant de dire qu'il ne faut pas y amener des enfants.

Ne pas le faire en effet. Vénus noire, âmes sensibles s'abstenir car des scènes sadiennes se suivent dans des séquences longues et saturées, style Kechiche.
Le seul intérêt de ce film est de nous faire redécouvrir comment le corps de la femme esclave, le corps de la femme noire mais aussi celle du colonisé a été longtemps l'objet d'un fantasme occidental et révélateur des rapports de domination entre noir et blanc.
Saaratjie n'a pas eu de bol comme tous les noirs de l'époque qui se sont insurgés contre leur condition d'ailleurs chaque fois qu'elle dit non,nous rappelle Emmanuel Laurentin dans la Fabrique de l'histoire, elle tombe plus bas jusqu'à la science qui la viole, la dissèque.
Il est absolument dérangeant de voir que ce témoignage réinscrit à travers le rapport que Saartjie a avec ses employeurs-profiteurs et également scientifiques, un rapport qui ne sera jamais d'égal à égal, la femme noire n'est pas humaine, elle est animale, ce n'est plus le mythe du sauvage qui se donne à voir mais celui de l'animal.
En ce sens le film de Kechiche est bien un voyage dans l'antihumanité et la cruauté. Il dérangera tout européen mais également et surtout les femmes et les africains car l'ambiguïté que la vénus noire hottentote a entretenu avec son corps qui lui appartient dont elle dispose comme elle l'entend (presque), la liberté qu'elle a revendiqué est contredit par son cheminement: ces scientifiques qui lui donnent injonction de montrer son sexe, ses spectateurs qui enfouissent un bâton dans sa chatte, cette classe populaire anglaise qui meurtrissent sa chair.
Le gros problème de ce film est qu'il conduit le voyeurisme et l'obscénité jusqu'à la nausée, il y a des relents nauséabonds dans ces scènes de violences qui se succèdent gratuitement. En définitive, on n'apprend rien de plus que ce qu'on connaissait déjà et c'est là que A.Kechiche a peut-être échoué et fait un pari dangereux. Il est malaisé d'aller au cinéma pour se faire abattre, on en sort mortifié non pas seulement à cause de la vie que cette femme a eu mais du parti pris de Abdellatif Kechiche. Un parti pris bien dérangeant.


Photo: Saartjie Baartman

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Commentaires
M
Mon amie tiens absolument à ce que nous allions voir ce film, vu tes commentaires j'avoue ne plus être trés chaud!
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